http://ldran.free.fr/cyclisme/pdf/leboucher.pdf

EFFETS DE DEUX PROGRAMMES DE MUSCULATION SUR LES PERFORMANCES EN CYCLISME
Leboucher G*, Gauthier A*, Macé T*, Sesboüé B**
* Centre de Recherche en Activités Physiques et Sportives
** Institut Régional de Médecine du sport

Introduction
Depuis plusieurs années, la musculation et les procédés de développement de la force musculaire ont fait leur apparition dans les programmes d'entraînement des athlètes pratiquant le cyclisme sur route. L'objectif de cet entraînement est de développer la force et la puissance musculaire du membre inférieur, et les capacités aérobies des sportifs.

En ce qui concerne le développement de la force musculaire  dans les disciplines sportives à dominante aérobie comme le cyclisme sur route, plusieurs écoles s'opposent sur l'intensité de la charge des séances de musculation proposées aux athlètes. On peut alors se demander s'il est préférable de s'entraîner avec des charges légères et  intensité faible(inférieures à 40% de la force maximale) qui est proche de celle développée lors des efforts spécifiques de compétition ou s'il  est plus bénéfique de travailler avec des charges lourdes (supérieures à 75% de la force maximale) qui permettent selon Cometti (1988) de  progresser de façon importante sur une répétition maximale (RM).

Selon Anderson et Kearney (1982), les entraînements en musculation à charge faible permettent de  développer davantage  l'endurance absolue et l'endurance relative que les exercices à charges lourdes. Néanmoins, seul un entraînement à charge lourde permet  d'améliorer de façon significative la force maximale.
L'objet de notre étude sera tout d'abord d'étudier l'influence respective sur des sujets pratiquant le cyclisme sur route de deux  programmes différents de musculation, l'un axé sur les exercices à intensité élevée comme les efforts répétés et maximaux selon la logique de Zatsiorski, l'autre sur la force répétitive à faible intensité, sur la force musculaire (force maximale et force endurance). Notre second objectif  sera de déterminer lequel des deux programmes est le plus bénéfique sur les performance en cyclisme et notamment la puissance  aximale
aérobie (PMA) qui reflète globalement les aptitudes aérobies des sportifs.

Méthode
Sujets: 12 cyclistes de niveau régional et national ont pris part à cette étude et ont été répartis de manière aléatoire dans deux groupes G1 et G2.
Procédure expérimentale: 2 sessions de tests sont programmés avant (session A) et après (session B) un entraînement en musculation. Au cours de chaque session de tests, chaque sujet devait effectuer sur bicyclette ergomètrique un test triangulaire maximal d'évaluation de la PMA, et en musculation, une détermination de la RM et du nombre maximal de répétitions avec une charge submaximale
(40% de la force maximale).
Les deux programmes s'étalaient sur 9 semaines à raison de 2 séances hebdomadaires et s'effectuaient sur un mouvement d'extension de jambe d'une amplitude de 90° sur une presse verticale.
Pour le groupe G1 les pourcentages de charge utilisée étaient compris entre 60 et 100% d'une RM avec 1 à 6 répétitions par série tandis que pour
le groupe G2 les pourcentages étaient de 30 à 40% d'une RM avec 30 à 40 répétitions par série.
 

Recueil des données: Le test cycliste triangulaire est réalisé sur un ergocycle (Cateye Cyclosimulator CS 100) qui permet de mesurer et de quantifier la puissance développée. Il est continu et progressif avec un incrément de 15 Watts toutes les minutes afin d'atteindre la PMA qui correspond au dernier palier dune minute réalisé. Au cours de ce test triangulaire maximal, la fréquence cardiaque est enregistrée en continu à l'aide de cardiofréquencemètres (Baumann et Haldi, BHL 6000), et on relève la puissance développée lors du dernier palier franchi. Pour les tests de musculation, on relève en ce qui concerne le test de force maximale, la charge de la RM en kg, et pour le test de force endurance le nombre de répétitions effectuées avec une charge de 40% de la RM et suivant un rythme de une répétition toutes les deux secondes.

Résultats
En ce qui concerne les tests de musculation, seul le groupe G1 a progressé significativement en force maximale entre les sessions A et B. En force endurance les deux groupes G1 et G2 ont progressé entre les deux sessions, néanmoins les gains de G1 (171,5%) sont significativement supérieurs à ceux de G2 (119,4%). Au test triangulaire maximal, les deux groupes ont progressé significativement, entre les
deux sessions, en ce qui concerne la puissance maximale atteinte. Néanmoins, les gains de G1 (6,7%) sont supérieurs à ceux de G2 (3,7%) de manière significative. Les valeurs de fréquence cardiaque maximale pour les 2 groupes n'ont pas évolué de façon significative entre la session A et la session B.

Tableau 1: Paramètres relevés (moy±ES) lors des différents tests de musculation et cycliste réalisés lors des sessions A et B pour les groupes 1 et 2 (G1, n=6; G2, n=6). * indique, pour chaque groupe, une différence significative entre les sessions A et B.
 
Musculation  Test triangulaire 
RM (en kg)  Nb répétitions  PMA (en W) FC
max
(en bpm) 
Session A 
G1 142,3±15,3 65,5±15,4  412±13,1  188±2,8 
G2 131,5±13,1 55,8±9,7 400±28,7 189±2,1 
Session B 
G1  177,5±20,7* 179,5±21,2* 440±15,8* 185±3,6 
G2  139,3±13,7 122,5±9,4* 415±30,5* 186±3,0 

Discussion
Les résultats au test de force maximale confirment Cometti (1988) et les principaux auteurs en musculation en montrant que les exercices comprenant des efforts maximaux ou répétés permettent de progresser en force maximale grâce à des adaptations nerveuses et structurales spécifiques.

Les résultats au test de force endurance semblent aller à l'encontre des études de Anderson et Kearney  (1982) qui montrent des gains plus importants en endurance pour les sujets s'entraînant avec des charges faibles car les sujets G1 ont davantage progressé en endurance de force que le G2. L'association des exercices de musculation avec la pratique d'un sport d'endurance à dominante aérobie dans notre étude pourrait expliquer les gains plus important du groupe G1 en force endurance. L'entraînement en musculation avec des charges lourdes serait le plus efficace pour développer la PMA qui est un indicateur fiable des potentialités des cyclistes.

Conclusion
Pour conclure, nous dirons qu'il est préférable d'inclure dans les programmes d'entraînement des sports à dominante aérobie des exercices de musculation à intensité importante c'est à dire des efforts répétés et maximaux selon la logique de Zatsiorski, que des exercices de force répétitive. De plus les séances de musculation proposées pour le groupe G1 sont moins longues et semblent moins sollicitantes nerveusement et psychologiquement.
Références
ANDERSON T, KEARNEY JT (1982) Effects of three resistance training programs on muscular strenght and absolute and relative
endurance. Reasearch Quaterly for Exercise and Sport. 53 (1):1-7.
COMETTI G (1988) Les méthodes modernes de musculation: compte-rendu du colloque de novembre 1988 à L'UFR STAPS de Dijon,
Tome 1 et 2. Dijon, CRDS de Dijon : 351 pages.